Interview de Patrick Dujardin dans La Nouvelle République du 5 juillet 2022

Deux-Sèvres : une mortalité des abeilles proche de 20 %

L’Abeille du Poitou a relevé un taux moyen de mortalité de 18 % dans ses ruches.
L’Abeille du Poitou a relevé un taux moyen de mortalité de 18 % dans ses ruches.
© (Photo archives NR)

L’Abeille du Poitou a consulté ses adhérents sur les taux de mortalité dans les ruches des Deux-Sèvres en sortie d’hiver. Des chiffres à ne pas minimiser.

Il y a quelques semaines, nous avons publié un article intitulé « Mortalité des abeilles : les ruchers des Deux-Sèvres épargnés » : les apiculteurs que nous avions alors interviewés (dont François Chauveau, le président de l’Abeille des Deux-Sèvres) nous avaient assuré que les pertes dans leurs cheptels étaient somme toute « habituelles ». On oscillait autour de 5 %, avions-nous retenu.

Au sein de l’Abeille du Poitou, une autre association locale d’apiculteurs (1), ce constat a fait réagir de nombreux adhérents qui n’ont pas du tout le même ressenti. Aussi, pour avoir des chiffres précis sur la mortalité des colonies, le président de cette association, l’apiculteur Patrick Dujardin, a consulté ses troupes : trente-cinq des 128 adhérents ont répondu à son questionnaire et tous ont confirmé les inquiétudes formulées au début du printemps par le réseau Biodiversité pour les abeilles.
18 % de pertes en moyenne

« En moyenne, nos adhérents qui possèdent plus de cinquante ruches ont enregistré des pertes de 22,4 %, résume Patrick Dujardin. Ceux qui exploitent de vingt à cinquante ruches ont perdu 20,1 % et ceux qui ont moins de vingt ruches ont perdu 16 %. » Soit une moyenne globale de 18 % avec des pertes pouvant aller jusqu’à 40 %, « des chiffres conformes à ceux du réseau national », a comparé Patrick Dujardin qui y voit une preuve que « les abeilles et l’apiculture restent fragiles ».

Comment explique-t-il ces chiffres ? D’abord, si les petits ruchers semblent moins affectés que les grands, c’est selon lui grâce à la disponibilité des apiculteurs : plus il y a de ruches à gérer ou déposés dans plusieurs sites, moins l’apiculteur peut être présent et donc réactif, estime-t-il.

Autre point, dans notre article du 27 mai, les apiculteurs interviewés indiquaient que les pesticides n’étaient plus la cause première de mortalité des abeilles : le président de l’Abeille des Deux-Sèvres François Chauveau, lui-même céréalier, affirmait en substance que les agriculteurs avaient suffisamment changé leurs pratiques pour ne plus être une menace pour les pollinisateurs.
Les pesticides trop vite dédouanés ?

Les pertes étant plutôt à mettre sur le compte du varroa ou de l’amateurisme de certains… Là aussi, Patrick Dujardin a voulu savoir : il a demandé à ses adhérents s’ils avaient constaté cette évolution des pratiques de pulvérisation.

Résultat, si près d’un tiers (28,4 %) n’ont pas d’avis, ne s’estimant pas en mesure de différencier un épandage d’engrais d’une pulvérisation de pesticides ou d’herbicides, 2,9 % considèrent que les choses ont complètement évolué de façon favorable et 43 % que les choses ont partiellement évolué de façon favorable. En revanche, un quart (25,7 %) estime que les choses n’ont pas du tout évolué de façon favorable. Et ils sont même 62 % à constater que, non, les pulvérisations avant la levée du jour ou après la tombée de la nuit (quand les pollinisateurs sont au repos) ne sont toujours pas des pratiques régulières.

« 43 % estiment que ça évolue dans le bon sens, c’est très encourageant, évidemment, conclut Patrick Dujardin. Pour autant, on ne peut pas nier que les pesticides restent un problème : quand on voit que leurs ventes n’ont fait qu’augmenter ces dernières années en France, dire le contraire relève du déni. »
Des observations encourageantes

Pour autant, le président de l’Abeille du Poitou se veut « très optimiste » : « Il faut être réaliste : on ne pourra pas stopper totalement les produits chimiques. Mais on voit bien que de plus en plus d’agriculteurs veulent sortir de ces pratiques. C’est notamment pourquoi nous collaborons de plus en plus avec l’Association pour une agriculture durable qui travaille pour faire revenir la biodiversité dans nos champs. Nous disons que nous devons agir tous ensemble. »

(1) Cette autre association compte environ 280 adhérents, en majorité dans les Deux-Sèvres.

L’association Abeille du Poitou est basée à Viennay. Contact : abeilledupoitou.fr ou son président Patrick Dujardin au 07.83.04.16.28.

Patrick Dujardin : "Nous sommes là aussi pour accompagner les changements de pratiques agricoles."
Patrick Dujardin : « Nous sommes là aussi pour accompagner les changements de pratiques agricoles. »
© Photo NR

Article de la Nouvelle République publié le 5 juillet 2022 : https://www.lanouvellerepublique.fr/niort/abeilles-des-deux-sevres-une-mortalite-proche-des-20